_Bhagavat_

IX . Bhagavat le Bienheureux


Aux chants des Kinnaras, de désirs consumés,

Les Brahmanes foulaient les gazons parfumés ;

Et sur les bleus étangs et sous le vert feuillage

Cherchant de Bhagavat la glorieuse image,

Ils virent, plein de grâce et plein de majesté,

Un Etre pur et beau comme un soleil d'été.

C'était le Dieu. Sa noire et lisse chevelure,

Ceinte de fleurs des bois et vierge de souillure,

Tombait divinement sur son dos radieux ;

Le sourire animait le lotus de ses yeux ;

Et dans ses vêtements, jaunes comme la flamme,

Avec son large sein où s'anéantit l'âme,

Et ses bracelets d'or de joyaux enrichis,

Et ses ongles pourprés qu'adorent les Richis,

Son nombril merveilleux, centre unique des choses,

Ses lèvres de corail où fleurissent les roses,

Ses éventails de cygne et son parasol blanc,

Il siégeait, plus sublime et plus étincelant

Qu'un nuage, unissant, dans leur splendeur commune,

L'éclair et l'arc-en-ciel, le soleil et la lune.

Tel était Bhagavat, visible à l'oeil humain.

Le nymphéa sacré s'agitait dans sa main.

Comme un mont d'émeraude aux brillantes racines.

Aux pics d'or, embellis de guirlandes divines,

Et portant pour ceinture à ses reins florissants

Des lacs et des vallons et des bois verdissants,

Des jardins diaprés et de limpides ondes,

Tel il siégeait. Son corps embrassait les trois Mondes,

Et de sa propre gloire un pur rayonnement

Environnait son front majestueusement.

Bhagavat ! Bhagavat ! Essence des Essences,

Source de la beauté, fleuve des Renaissances,

Lumière qui fais vivre et mourir à la fois !


Ils te virent, Seigneur, et restèrent sans voix.

Comme l'herbe courbée au souffle de la plaine,

Leur tête s'affaissa sous ta mystique haleine,

Et leur coeur bondissant dans leur sein dilaté,

Comme un lion captif, chercha la liberté.

L'Air vital, attiré par la chaleur divine,

D'un insensible effort monta dans la poitrine
,

Et, sous le crâne épais, à l'Esprit réuni,

Se fraya le chemin qui mène à l'Infini.

Ainsi que le soleil, ami des hautes cimes,

Tu souris, Bhagavat, à ces âmes sublimes.

Toi-même, ô Dieu puissant, dispensateur des biens,

Dénouas de l'Esprit les suprêmes liens ;

Et dans ton sein sans borne, océan de lumière,

Ils s'unirent tous trois à l'Essence première,

Le principe et la fin, erreur et vérité,

Abîme de néant et de réalité

Qu'enveloppe à jamais de sa flamme féconde

L'invisible Mâyâ, créatrice du monde,

Espoir et souvenir, le rêve et la raison,

L'unique, l'éternelle et sainte Illusion.



gauche left fleche ancre haut droite right fleche

ligne de basse